Tollé contre un réveillon pharaonique

Tollé contre un réveillon pharaonique

En Egypte, l’opposition critique les fêtes de l’an 2000 prévues par le ministre de la Culture.

Le Caire de notre correspondant

En Egypte, le passage à l’an 2000 est devenu une affaire d’Etat, et voilà bientôt un mois que le ministre de la Culture, Farouk Hosni, est la cible d’une campagne de presse l’accusant de jeter l’argent pas les fenêtres. Comme à son habitude, la presse d’opposition a commencé par avancer les chiffres les plus fantaisistes, forçant le gouvernement à sortir du flou: le grand show multimédia aux pyramides destiné à marquer l’entrée dans le troisième millénaire coûtera 57 millions de francs. “Une honte dans un pays où plus de la moitié de la population est menacée par la pauvreté”, s’est exclamé le quotidien d’opposition Al-Wafd.”Ce serait un crime que l’Egypte ne célèbre pas le nouveau millénaire, alors qu’elle possède l’une des sept merveilles du monde”, a répondu Farouk Hosni.

Pour l’occasion, les autorités ont commandé à Jean-Michel Jarre un opéra de douze heures censé se dérouler sur le site des pyramides de Gizeh: les Douze Rêves du soleil. A minuit, clou du spectacle: la grande pyramide de Khéops retrouvera son pyramidion, une chape triangulaire en or recouvrant le sommet du monument, comme c’était le cas du temps des pharaons.

Le show, destiné à être filmé par les télévisions du monde entier, utilisera le site de Gizeh comme une immense scène sur laquelle des images seront projetées et où évolueront des centaines d’acteurs et de figurants. “Jean-Michel Jarre est un spécialiste, c’est pourquoi nous l’avons choisi”, a expliqué le ministre de la Culture, réveillant la fibre nationaliste de l’opposition, qui s’étonnait que l’on fasse appel à un khawaga, un étranger. “Personne en Egypte n’est capable d’organiser un spectacle d’une telle ampleur”, a rétorqué Farouk Hosni. Nouvelle gaffe qui lui a mis à dos l’ensemble des artistes de son pays qui se sont sentis insultés.

Petits malins. En attendant, le retard pris dans l’organisation de l’événement et l’absence d’une campagne de promotion claire du gouvernement ont permis à des petits malins de chercher à profiter de l'”effet millénaire”. Ainsi, une agence londonienne, ArtsWorld Entertainment, a commencé à vendre des billets “réveillon aux pyramides” à 1 500 dollars (9 000 francs), annonçant un feu d’artifice et une immense surprise-partie. Blue Nile Productions, une autre société, égyptienne celle-là, espère toujours pouvoir organiser un concert des Pink Floyd en vertu d’un contrat signé avec le ministère de la Culture et l’autorisant à monter des mégamanifestations culturelles sur le site des pyramides.

Sommé de s’expliquer devant les députés, le ministre de la Culture a assuré que “les célébrations du millénaire sont une chance pour l’Egypte, car elles permettraient de relancer l’industrie touristique en faisant du pays une attraction majeure”. “Oui, mais quels touristes?” s’est interrogé Al-Wafd. “Nos frères arabes ou des babas cool avec sac à dos qui n’ont pas trouvé moins cher ailleurs?” D’autres n’ont pas manqué de faire remarquer que le nouvel an tombait cette année en plein ramadan. Pas question que des milliers de touristes surexcités viennent sabrer le champagne au pied des pyramides. “Le gouvernement va tout faire pour que la sensibilité des musulmans ne soit pas heurtée pendant le mois de jeûne”, a assuré Moustafa Naguy, directeur de l’Opéra du Caire et organisateur de l’événement.

Ephèbes. L’opposition, qui n’a rien de mieux à faire que de voter comme un seul homme lorsqu’il s’agit de renouveler le mandat du président Moubarak, s’acharne en ce moment sur Farouk Hosni, car des rumeurs de remaniement ministériel le donne sur la liste des partants. Le personnage, qui aime plus à se présenter comme un artiste peintre qu’un ministre, est, il est vrai, très controversé en raison de son train de vie flamboyant et de sa propension à être entouré d’une cour d’éphèbes aussi obéissants qu’incompétents. Fatigué d’être le seul à essuyer le feu des critiques, Hosni a fini par lâcher le morceau. Ce n’est pas lui qui a eu l’idée de célébrer le passage à l’an 2000 mais Mamdouh al-Beltagui, son collègue du Tourisme.

AYAD Christophe

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