En octobre 1992 un groupe d’amis constitué de Thierry Rouault, Jean-Michel Daniel, Brigitte Rohard et Jean-Bernard Emond décident de créer une association dont le but serait de faire l’analyse de la musique électronique. Pourquoi une telle association ? A l’époque il n’existait que trois fan clubs non francophones concentrés uniquement sur la musique de Jarre. L’idée d’origine était donc de créer un magazine qui traiterait de musique électronique, de synthés et de spectacles. Une brève expérience qui avait pour nom Cartolina avait permis de jeter les bases de l’association. Mais Jean-Michel Jarre pensait que le journal Cartolina ne portait pas un titre représentatif de sa musique, il fallut donc trouver un autre nom. Globe-Trotter semblait approprié, la musique du même titre était toute récente à l’époque. De plus c’était une des grandes réussites musicales de Jarre, et puis Globe-Trotter était également un qualificatif assez proche des personnalités de Jarre et de Vangelis. Le tour était joué !
La revue Globe- Trotter commença tant bien que mal mais ne connut pas le succès attendu avant 1994. II faut rendre hommage à Alain Mangenot, rédacteur en chef de Keyboards, car c’est lui qui fit connaître l’association G. T. au grand public dans le numéro 83 de son mensuel.
Les fans de Jean-Michel Jarre et de Vangelis allaient ainsi découvrir “l’esprit Globe-Trotter”. En quoi consistait-il ? Quand je me suis trouvé seul après le départ des premiers rédacteurs de l’association déçus par le manque d’adhérents, j’avais presque envie d’arrêter. Mais fallait-il abandonner aux fan clubs le droit d’être les seuls à parler de Jarre… non bien sûr ! Mon idée était donc de créer un nouvel état d’esprit qui laisserait le champ libre à la critique constructive et lutterait contre la subjectivité caricaturale inhérente à toute revue de fan clubs.
Dans Globe- Trotter les artistes seraient considérés comme des êtres humains et non des dieux. Leurs erreurs seraient évoquées comme leurs réussites, à parts égales. De plus l’inspiration des compositeurs serait aussi analysée en détail : symbolique maçonnique et aspects politiques de l’oeuvre de Jarre, et folklore grec dans le travail de Vangelis par exemple. Car évidemment l’essentiel de Globe-Trotter consisterait à établir la différence entre “promotion de la musique” de Jarre/Vangelis et “promotion de Jarre/VangeIis”. Cette dernière perception était déjà bien trop présente au sein des fan clubs. Globe- Trotter devrait donc être un Magazine ouvert à tous débats, exhaustif et hétéroclite à l’opposé du traditionnel club cloisonné dans le polissage de la statue d’ivoire, entièrement enfermé dans le culte fétichiste d’un dieu vivant. Pour être le plus large possible l’éventail intellectuel de Globe-Trotter devait être celui des rédacteurs aussi bien que celui des adhérents, c’est la raison pour laquelle de nombreux articles furent rédigés par ces derniers.
II fallait aussi enrayer l’idée de profit liée aux fan clubs et se mettre à la place des fans pour savoir ce qu’ils pouvaient bien rechercher. Ainsi naquit l’idée de proposer un magazine en couleur à un prix bon marché et l’enregistrement gratuit des musiques introuvables des artistes. L’analyse détaillée des œuvres de Jarre et de VangeIis seraient ainsi mieux suivies. Le partage de ma collection de disques me semblait juste, car dans la société actuelle on remarque trop souvent l’égoïsme. Je pensais qu’il était de mon devoir de montrer une autre voie avec la création d’une association à but non lucratif et philanthropique. Philanthropie, ce mot entraîne la méfiance tant il a été dénigré mais j’espère avoir convaincu les adhérents qu’il n’était pas simplement une belle idée au sein de Globe-Trotter.
Quelle fut l’audience de Globe- Trotter ? En six ans d’existence (1992/1998) la revue a compté 113 adhérents et a réussi à en fidéliser 30. La revue a continué de se vendre sur internet quatre ans après la fin de l’association comptabilisant ainsi un tirage de 2 000 exemplaires tous numéros confondus.
La plupart des inscrits étaient des étudiants de 18 à 22 ans, aussi passionnés par Jarre que par Vangelis Les “portraits de fans” (présentation des adhérents dans un curriculum vitae) ont contribué à rapprocher la rédaction de GT de ses adhérents. Grâce à ces portraits chacun pouvait se présenter et rendant l’association plus humaine. Certains adhérents avaient apprécié les réunions qui étaient organisées chaque premier dimanche du mois à Beaubourg. Ces réunions permettaient aux fans de faire connaissance et d’échanger des idées autour de leur passion. Le clou de ces rencontres fut la présence de Michel Geiss qui vint répondre à quelques questions posées aussi bien par les rédacteurs de G T que par ses adhérents
Ce qui fut reproché à Globe- Trotter était surtout le peu de place accordée à l’actualité, mais aussi les critiques à l’égard de leurs idoles. Des le départ GT. voulait se démarquer des fan clubs en évoquant les aspects et les moments les plus méconnus des carrières de Jarre et de Vangelis. Les photos en couleur collées directement sur les pages n’étaient pas du goût de tout le monde. Elles donnaient à la revue un caractère amateur.
Mais pour la majeure partie des adhérents ces photos apportaient une touche d’originalité et pour Keyboards Globe-Trotter était un magazine “collector” conçu “avec poésie”. Keyboards aura d’ailleurs beaucoup parlé de notre association dans sa rubrique “Fax” mais aussi dans deux véritables articles publiés dans les numéros 90 et 109.
Enfin au chapitre des reproches faits à l’association, le plus récurrent aura été celui-ci : “vous tapez toujours sur la tète de Jarre” Pourtant sur les 1 000 pages d’articles publiées par Globe Trotter seule, une trentaine pouvait contenir des propos vraiment durs. Les articles “Le bilan d’Europe en concert”, “Concert pour la Tolérance”, “Oxygène 7-13 par Dimitri Pruneta”, “Les fanzines”, “Odyssey through 02”, “Zermatt, “Lost cities”, “nuit électronique” et “Jarre , politiquement correct par Sébastien Reinier” ne devraient pas constituées les seules traces de Globe-trotter pour la majeure partie des fans car ils n’étaient pas représentatifs du reste de la revue. Neuf articles sévères ne peuvent faire oublier les 133 autres ! Il ne faudrait pas oublier les analyses de Aor, Deserted Palace, La Cage, Les projets inachevés, Triangle, la symbolique maçonnique dans l’oeuvre de Jarre, Pop-Corn, Initiation à la musique de Vangelis… Et même pour les critiques les plus sévères un brin d’humour aidait à accepter une opinion contraire à la sienne comme ce fut le cas pour l’article “Odyssey through 02”.