Jean-Michel Jarre, bilan de synthé (Télérama, oct 2015)

Jean-Michel Jarre, bilan de synthé (Télérama, oct 2015)

Jean-Michel Jarre, bilan de synthé

Quoi de mieux pour remonter une inspiration en berne, et une cote de popularité en baisse, que d’enregistrer une série de duos avec d’autres musiciens ? Pour son disque “Electronica” le roi du synthétiseur est parti à la rencontre du gratin mondial de la musique électronique d’hier et d’aujourd’hui. Une démarche séduisante pour un résultat très inégal.

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Oh non !

  • Le « tout-à-l’ego ». A grands coups de rayons lasers, il a accompagné la modernisation de la Chine de Deng Xiaoping, fêté comme il se devait le bicentenaire de la Révolution française, les 25 ans de la Nasa, le 850e printemps de la ville de Moscou… Et personne n’a oublié son show pharaonique, au pied des pyramides de Gizeh, à l’occasion de l’entrée dans le nouveau millénaire. Mais l’époque est décidément ingrate pour le Toutankhamon du son et ­lumière : il a échoué à remplir Bercy en 2010.
  • Pull-over sombre, teint blafard, barbe de trois jours, rides (presque) apparentes et regard inquiet. Le voici tel qu’il apparaît sim­plement sur la pochette de son vingt et unième album studio. Pas de quoi nous faire oublier son total look d’éternel jeune playboy bling-bling : lunettes noires, veste en peau de serpent, béret à la Che Guevara.
  • A 67 ans, il aurait mûri. La mort de ses parents et de son éditeur, un divorce difficile, la conscience du temps qui temps passe, les bons conseils de son « ex », Charlotte Rampling — dont il est resté très proche —, l’auraient convaincu qu’il s’était « parfois » fourvoyé. Mais le « pipole » des synthétiseurs n’est pas prêt à pousser trop loin l’autocritique. Ses shows mégalo ? « Ces concerts, dont on pense que j’étais l’initiateur, répondaient à des demandes qui m’avaient été faites », se justifie-t-il humblement dans Le Figaro.

Oh oui !

  • Dans les années 1970, il fut un sacré parolier. D’abord pour Christophe (Les Mots bleus, Les Paradis perdus…). Ensuite pour l’immense Patrick Juvet, à qui il fit cadeau de Papa s’pique, maman s’shoote, Où sont les femmes ?, et surtout Quand vient la nuit : « Quand revient la nuit/Moi je me glisse sans un bruit/La brume de l’oubli m’engloutit/Mais ce noir qui me séduit/parfois le ­soleil me l’envie. »
  • Rouée et accrocheuse, son idée de réunir aujourd’hui autour de lui cinq générations de musiciens électroniques. Du pionnier allemand du synthétiseur Edgar Froese (Tangerine Dream) au jeune prince français de la techno Gesaffelstein, en passant par les Anglais Massive Attack, son casting est bien vu.
  • Il ressuscite le duo Air, sous respiration arti­ficielle depuis quelques années. Sur le morceau Close your eyes, tout enchante : le clin d’oeil à Kraftwerk, la naïveté et l’évidence mélodique de Jarre, accouplés à la pop saturnienne du duo versaillais.
  • Tant mieux s’il se raccroche au train de la techno ! Après tout, il en est l’un des inventeurs. Grâce à ce dernier disque, celui qui popularisa les synthétiseurs à travers la planète avec Oxygène, une bonne décennie avant les raves, devrait faire ­découvrir à un plus large public des compositeurs qu’on n’entend jamais à la radio, qu’on voit rarement à la télé.

 

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