Le père de la techno fait toujours recette
Précurseur de la musique électronique, Jean Michel Jarre, ce soir à Bercy, est de retour sur scène dans un show à taille humaine, avec ses joujoux électroniques à l’ancienne.
EMMANUEL MAROLLE | 25.03.2010, 07h00
Retour vers le futur. Assister à un concert de Jean Michel Jarre en 2010, c’est se replonger dans un passé qui préfigurait l’avenir. Car l’artiste qui investira ce soir Bercy s’amuse avec ses joujoux électroniques comme au bon vieux temps. Des claviers étranges, des synthétiseurs préhistoriques, un théremine, ce drôle d’instrument dont on joue en approchant sa main d’une antenne pour en sortir des sons proches de la scie musicale.
Au Zénith de Nantes jeudi dernier, le musicien de 61 ans nous a replongés dans la techno à l’ancienne, loin du tout-numérique, des ordinateurs portables qui peuvent donner un concert à eux seuls. « C’est sûr que l’on peut mettre le contenu d’un show dans une clef USB et regarder cet objet sur scène pendant deux heures, explique-t-il. Moi je voulais poétiser la technologie, célébrer les instruments. »
La veille de la première à Bordeaux, un problème sur une vieille machine est venu jouer les trouble-fête pendant quelques minutes. « On s’est dit qu’il nous faudrait une panne chaque soir pour montrer que l’on est bons en direct ! »
Jarre version 2010 revient à des concerts à hauteur d’homme, dans des « petites » salles, loin des shows gigantesques qu’il a montés dans le passé à Houston (Texas), en Chine, en Egypte ou à La Défense. « A l’époque, j’étais fasciné par l’opéra, je voulais trouver un prolongement visuel à ma musique avec des décorateurs, des costumiers. Et puis j’aimais investir des lieux naturels, le temps d’une soirée. »
Mégalo pour les uns, désuet pour les autres, Jarre assume tout. « Je revendique totalement le mélange de grandiose et de dérisoire, de sublime et de ringard. De toute façon, je n’ai jamais été à la mode. Quand j’ai commencé à m’intéresser à l’électronique, on était en plein rock psychédélique. Lorsque j’ai sorti mon premier disque en 1976, Oxygène, qui tentait de créer un pont entre musique expérimentale et mélodies pop, c’était le punk et le disco. Ensuite l’electro a explosé en faisant danser les gens, ce qui n’était pas mon cas… »
Il n’empêche. Ici et là, il y a malgré tout des connexions entre les premiers Jarre et les mélodies planantes, très branchées, d’Air et de Sébastien Tellier ou les sons plus bruts de Vitalic et Justice. « J’ai sans doute ouvert des portes, mais sans le savoir, à une époque où les territoires étaient vierges. Avant nous, il n’y avait rien. » Aujourd’hui, la musique électronique est partout, souvent réduite à des artistes presque dématérialisés. « Des gens comme Daft Punk, qui ne montrent pas leur visage sur scène, se posent les mêmes questions que moi qui me suis longtemps caché derrière des lumières. Pendant leur concert, on ne sait pas ce qu’ils font, si c’est vraiment eux en haut de leur pyramide. Mais porter un casque, au bout d’un moment cela tient chaud. Il va falloir qu’ils le retirent. C’est ce que je fais aujourd’hui. »