Priorité au synthé

Priorité au synthé

LE grand match saxophane-synthétiseur est commencé. Faudra-t.il plus au moins de cent deux années pour que le Conservatoire de Paris se décide enfin à ouvrir son enseignement au synthétiseur ? Rappelons que M. sax- inventa son saxophone en 1840 et que notre conservatoire ne lui ouvrit ses bras qu’en 1942. Jorg Meyer a construit le premier instrument qui produisait des oscillations en 1915 et Stravinsky disait en 1921 que c’était là «le plus parfait » ! Soixante-sept ans plus tard, aucun enseignement officiel dans notre pays n’est consacré à cet instrument pourtant le plus repandu et le plus utilisé en Occident ! Et j’affirme que c’est un drame pour la musique française ! Le synthétiseur est enseigné de façon courante dans tous les pays anglosaxons et nos problèmes d’identité par rapport aux musiques de ces pays ne s’expliquent que par des décalages de cet ordre. L’engouement pour Ies instruments électroniques prouve que la musique des synthétiseurs n’est pas la musique de Goldorak ou de la Guerre des étoiles, c’est-à-dire de fiction, mais bien la musique de notre univers quotidien. Le jeune passionné qui, il y a vingt ans, achetait une guitare électrique achète aujourd’hui un synthétiseur. Il ne faut tout de même pas oublier qu’on peut se procurer quelque chose d’acceptable à partir de I 000 F ! Avec là encore un étonnant paradoxe ; les meilleurs concepteurs sont francais mais ce sont les Américains et les Japonais qui s’assurent les brevets de fabrication et le monopole du marché. II serait temps d’en prendre conscience ! Mais revenons aux raisons qui font que le synthétiseur connait une telle vogue. La principale et j’ajouterai l’essentielle, c’est que pour la première fois dans l’histoire de la musique, On peut être à la fois l’interprète et le compositeurde sa propre musique. L’électronique est irremplacable parce qu’elle permet à chacun la confection de sa palette musicale personnelIe. A I’inverse des instruments traditionnels : piano, sax ou violon qui ont un son déterminé une fois pour toutes par le luthier, le synthétiseur peut fournir le son désiré : c’est le plus beau cadeau qu’on puisse faire à un musicien ! II ne faut d’ailleurs pas tomber dans la plus stupide des utilisations qui en est commercialisée, et qui est I’orgue électronique. Avec cet instrument, on ne fait qu’imiter les sons de ceux qui existent déjà et c’est forcement un succédané. ll faut bien comprendre que le son du violon n’est jamais aussi beau que quand il est fourni par un violon… II faut un synthétiseur sur Iequel on génère ses. propres sons, et non pas ceux qui vendent du son prémaché. Le synthétiseur est sans doute le seul instrument parfaitement adapté à la façon dont on écoute la musique aujourd’hui, c’est-à-dire à travers la technologie. Cela ne veut pas forcément dire que les sentiments humains peuvent être modifiés par la naissance d’instruments nouveaux. Le musicien de I’an 2000, qui utilisera la télématique, vivra toujours avec les mêmes sentiments, ceux qui animaient Mozart, Beethoven, Debussy ou César Franck. Le travail sur I’instrument n’a jamais changé au cours des siècles. Simplement peut-être que les luthiers d’aujourd’hui sont des électroniciens.

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